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NOTES DU 9 SEPTEMBRE 2020

 

Première étape, check

Après beaucoup de doutes, d’espoirs, de crispations, de "tests covid", d’appels, de mails et de patience, ça y est, je suis arrivée à bon port. Cela faisait six ans que je n’étais pas revenue à Saint-Martin. Et ça fait du bien.

7 h 30 de vol entre Paris et la Guadeloupe, puis 45 minutes passées à survoler les îles dans un avion taille XS. Cette dernière étape, c’est ma préférée depuis que je viens à Saint-Martin. La plus longue partie du voyage est déjà passée, l’air chaud des Antilles caresse mes joues un peu fatiguées et l’accent créole chante dans mes oreilles. Je vis ça comme le trailer de la sortie d'un nouvel épisode de ma série préférée. Je souris, en le vivant, en y pensant et en l’écrivant. Elle est agréable cette sensation de retrouver des souvenirs ensoleillés. Mais cette fois-ci, pas de programme de vacancier, je suis ici pour travailler, pour raconter.

 

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Philippe

Philippe, c’est celui à qui je dois beaucoup. Vraiment beaucoup. Après un appel à témoignage sur un groupe Facebook de Saint-Martin (en début d’année), il m’a trouvé un logement, apporté une énorme motivation et partager de précieux conseils. Quasiment tous les jours jusqu’à mon arrivée. Situation sanitaire, updates concernant les frontières, nombres de cas de covid sur l’île, contacts, moyens de transports à favoriser : ses mémos étaient tous riches d’informations - que je décidais de garder bien au chaud pour planifier mon reportage. 

À mon atterrissage à Grand-Case (Saint-Martin), c’est lui que j’attendais devant l’aéroport, le sourire aux lèvres, impatiente de découvrir celui qui m’avait guidée jusqu’ici. C’est une poule qui m’a accueillie la première. Elle se dandinait devant la porte vitrée de l’aéroport, zigzaguant fièrement entre les chauffeurs de taxi. Puis Philippe est arrivé. Il a profité des 7 minutes de trajet reliant l’aéroport à l’appartement pour me faire un topo de l’actualité du moment. Apparemment ici, ça chauffe.

 

Le bus 

Nous sommes le 9 septembre. Je suis complètement décalée.

Ce matin, cela fait bientôt vingt minutes que je marche sur la route principale, en espérant dénicher un arrêt de bus direction Marigot. Une voiture s’arrête à ma hauteur.

Au volant d'un pickup rempli de cannes à pêche, Hubert passe sa tête par la fenêtre, souriant et rafraichit par la climatisation. Il me propose de me déposer en stop au rond-point de Cul-de-sac, un peu plus bas. Avec l'humidité de l'air, le soleil s'imprègne chaque minute un peu plus sur ma peau. J’accepte, soulagée d'économiser quelques pas.  

Ici le stop est monnaie courante - tout le monde en fait. Cela paraît logique puisqu’une seule route traverse l’île du nord au sud.

On discute. Je vois le rond-point au bout de la route. 

“Ici ça devrait être plus simple pour toi, tu vas sûrement croiser le bus”

Une fois descendue du pick-up, le bus, je l’ai croisé. Plusieurs fois même. Je ne comprenais pas pourquoi il ne s’arrêtait pas. Jusqu’à ce qu’une femme accoure vers moi, amusée par ma situation. 

“Tu sais, ici, pour que le bus s’arrête il faut que tu fasses de grands signes. Sinon, aucune chance qu’il comprenne que tu l’attends. Et puis si tu espères voir un car arriver, détrompe-toi, ici ce sont de petit vans”

Un conseil en or, puisque cinq minutes plus tard, j’étais en direction du centre (Marigot), assise confortablement dans un van gris climatisé. En créole, le chauffeur discute avec une des passagères du fléau des téléphones portables chez les “ti moun’” (les enfants, les jeunes). Petit à petit le van se rempli d’écoliers en uniforme bleu. Certains parlent anglais, d'autres français. 

 

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Ça bouillonne 

Il est 11 h 45, je rejoins Loïc, co-créateur d’IOTV, chaîne d’actualité locale à Saint-Martin. Les studios se trouvent à Marigot, capitale de la partie française de l’île.

Petit rappel : l’île est constituée de deux parties, une française et une hollandaise, qui n’ont ni le même gouvernement, ni le même statut vis-à-vis de l’union européenne. Jusque récemment, aucun poste de douane ne matérialisait réellement cette binationalité. Mais le COVID-19 a frappé et une frontière physique a été créée en avril, pour la première fois depuis la signature du traité de Concordia en 1648. Et cette nouveauté n’est pas sans conséquence.

Loïc me raconte : les habitants sont mécontents et espèrent une réouverture de la frontière, rapidement. D’un point de vue économique, depuis avril, cette nouvelle frontière fait des ravages. Philippe m’en avait déjà parlé. Coté politique, les décisions de la préfète Sylvie Feucher sont critiquées et mettent en rogne certains concernés. En ce moment, le grand débat concerne la rentrée scolaire. Depuis le 31 juillet, sans attestation préfectorale et motif impérieux, impossible d’entrer en zone française. 

L’éducation est-elle considérée comme “motif impérieux” ? Apparemment non. Autour d’un café dans le centre de Marigot (non loin des studios d'IO TV), Loïc m’explique que vendredi dernier (le 4 septembre) de nombreux enfants vivant en partie hollandaise n’ont pas pu se rendre à l’école pour la rentrée scolaire. Et ce, malgré une inscription en bonne et due forme dans un établissement à Saint-Martin. Un article de La première Guadeloupe (France info) illustre la situation. 

 

Ce moment avec Loïc a dépassé toutes mes attentes. Sa chaine locale répond à un besoin médiatique sans précédent (à découvrir dans le futur livre), ses connaissances de l’île sont sans limite et son carnet d’adresse est rempli de grandes dames et de grands hommes que j’ai hâte de rencontrer. Nous avons principalement discuté des avantages et inconvénients que provoque le multilinguisme à Saint-Martin (français, anglais et créole), de sa frontière avec Sint-Maarten (partie hollandaise), de la question de l'identité saint-martinoise et de la situation actuelle. Beaucoup de points qui seront décryptés dans le futur ouvrage.

Saint-Martin est riche d’actualités, d’histoires, d’anecdotes, de passé et de présent à partager. Entre le Brexit et le COVID-19, l’île bouillonne de sujets de reportage que j’espère pouvoir couvrir, pour vous, pour eux, pour moi. 

 

20 h, fin de la journée pour moi. Les Saint-martinois n’ont pas changé et transpirent de bonne humeur. 

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