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Anguilla et Saint-Martin, deux îles intimement liées

En plus de priver Anguilla d’une de ses principales sources de financement, le Brexit pourrait créer une nouvelle frontière avec sa voisine Saint-Martin. Aujourd’hui, il n’existe aucune source qui permette de rendre compte clairement du futur des relations entre ces deux îles, ni du climat actuel.

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Une fragmentation problématique

L’île d’Anguilla est entourée de territoires ultramarins français et hollandais, donc européens.

 

Plus précisément, l’île possède des frontières maritimes avec Saint-Martin, Sint- Marteen, Saba et Sint-Eustatius. Comme l’explique le West India Committee, l’île est dépendante de ses voisins européens pour survivre économiquement et continuer à proposer des services publics de base.

Saint-Martin et Anguilla ont une histoire commune qui s’étend sur de nombreuses générations. Ainsi, leurs intérêts respectifs sont profondément liés. La santé économique d’Anguilla est d’ailleurs dépendante de la relation de l’île avec Saint-Martin. Le gouvernement anguilan explique dans son rapport que cette situation serait liée au désintérêt du Royaume-Uni au cours des siècles pour une île qui représente une faible valeur commerciale (« Anguilla & Brexit – Solutions »).

 

Les infrastructures de l’île sont très limitées et les biens et services vitaux sont fournis par d’autres territoires. Par exemple, les examens médicaux ou encore le service postier dépendent de Saint-Martin. Mais un des domaines les plus menacés est « l’ouverture à l’international » d’Anguilla. D’après le West India Committee, le tourisme représente 21 % de la valeur ajoutée brute perçue par l’île, tandis que le seul aéroport international (connexion avec l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Amérique latine), le Princess Juliana International Airport, se trouve à Sint-Marteen. Pour se rendre à Anguilla depuis l’étranger, il est donc nécessaire de passer par Saint-Martin. Ainsi, avec le Brexit c’est « 95 % des accès à Anguilla » qui vont faire l’objet de négociations entre les membres de l’UE (« Anguilla & Brexit : Britain’s forgotten EU border »). 

Selon le rapport « What Brexit means for the Eastern Caribbean : Issues and Challenge » de la Banque Centrale de la Caraïbe Orientale, le Brexit pourrait entraver les accès à l’île concernant la circulation de biens, de services et de personnes. Cette limitation ou ce durcissement des frontières aurait un impact sur le volume de touristes et influencerait négativement le commerce local et régional. De même, le port maritime international le plus proche d’Anguilla est celui de Sint-Marteen.

 

Nous retrouvons la même problématique en ce qui concerne l’accès et la production d’eau potable sur l’île. La transformation de l’eau de mer en eau potable est possible grâce à un processus de dessalement appelé la distillation thermique, qui demande beaucoup d’énergie. À Anguilla, 95 % des ressources énergétiques sont pétrolières et 90 % de ces ressources sont importés depuis Sint-Marteen (« Anguilla & Brexit : Britain’s forgotten EU border »).

Saint-Martin se fournit elle-même auprès de l’île de Sint-Eustatius, le principal fournisseur d’énergie (pétrole) de la région. Autrement dit, l’approvisionnement en eau potable d’Anguilla dépend de la partie néerlandaise de Saint-Martin. Comme la question des accès à l’île, cet approvisionnement en énergie sera soumis à des négociations européennes.

 

Qu’en sera-t-il si le Brexit complique les relations entre Anguilla et Saint-Martin ? De nouvelles taxes seront-elles imposées sur les biens et services échangés dans la région ?

Quoiqu’il arrive, seul le Royaume-Uni peut interagir dans les négociations, car le pouvoir de mener des « affaires extérieures » n’a pas été délégué au gouvernement d’Anguilla (« Anguilla & Brexit : Britain’s forgotten EU border »). Pour l’instant, aucune déclaration officielle du gouvernement britannique n’a été faite à ce sujet.

 

Selon le gouvernement anguilan, une des solutions serait que le Royaume-Uni aide Anguilla à devenir indépendante de ses voisines. Suite au Brexit, l’objectif pour le West India Committee serait de réduire la dépendance d’Anguilla à l'égard des îles et pays voisins, en particulier St Martin et Sint Maarten (« Anguilla & Brexit : Britain’s forgotten EU border »). Cela pourrait être réalisable grâce à de nouvelles installations aéroportuaires ou à un hôpital capable d’assurer une prestation complète de soins primaires et secondaires pour la population et les touristes par exemple. Mais pour cela, des investissements ou des prêts étrangers (pour le moment bloqués) ou une aide financière du Royaume-Uni en faveur de l’île sont essentiels.

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Des flux de populations et de touristes qui risquent d’être limités

Une des questions qui inquiète le plus les « oubliés » du Brexit, est celle de la liberté de circulation des populations locales des pays et territoires d’outre-mer britanniques vers les territoires européens. Et plus particulièrement, celle des habitants d’Anguilla vers l’île de Saint-Martin.

Le gouvernement anguilan craint que suite au Brexit, la France durcisse ses frontières saint-martinoises, ce qui compliquerait l’accès à l’île pour les visiteurs et les résidents anguilans (qui se rendent à Saint-Martin régulièrement pour le travail par exemple).

 

En plus des voyages humains, ce durcissement pourrait également influencer négativement l’apport de services médicaux sur l’île et l’offre touristique. Aucune étude de terrain ni travail de recherche n’évalue concrètement la perte économique que le Brexit provoquerait pour Anguilla et son impact sur sa relation avec Saint-Martin.

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Deux îles liées

Comme Gibraltar ou encore l'Irlande du Nord et du Sud, Anguilla, a des frontières maritimes avec des États membres de l'UE.

 

L’île craint aujourd’hui pour son avenir. Affaiblie par l’ouragan Irma de 2017 et dépendante de ses voisines, le Brexit pourrait lui être fatal. Le divorce pourrait affecter les Anguilans et leurs voisins européens desquels ils dépendent en matière de santé, de tourisme, de ressources énergétiques et sur le plan économique de manière plus générale.

Anguilla et Saint Martin partagent une histoire commune et forment une communauté. Les Anguilans ont des liens familiaux étroits avec leurs voisins français et néerlandais. Comme le raconte un reportage d’ARTE-Regards, « Brexit dans les Caraïbes - Chaos sur l’île d’Anguilla », des insulaires travaillent ou se rendent régulièrement sur l’île voisine de Saint- Martin, située à moins d’une demi-heure de bateau. Dans ce documentaire, Felix Flemming, un habitant d’Anguilla explique que la relation qui lie les îles de la Caraïbe et plus précisément Anguilla et Saint-Martin, s’apparente à une « sorte d’union européenne modèle réduit ». Saint martin serait comme une extension d’Anguilla et inversement. Il raconte qu’il y a beaucoup d’échanges et de mariages entre les deux îles.

D’un point de vue juridique et sanitaire, l’exemple de l’avortement illustre bien cette dépendance et ce lien non négligeable. Dans cette région, l’avortement volontaire n’est légal et disponible qu’à Saint-Martin. Plus précisément, il n’est possible à Anguilla qu’en cas de danger pour la femme enceinte ou pour le fœtus. Ainsi, « les femmes d’Anguilla font facilement les vingt minutes de bateau vers Saint-Martin ou Sint Maarten pour un avortement anonyme, en une après-midi ». 

 

Anguilla est économiquement dépendante de Saint-Martin, mais cette relation est dans certains cas mutuelle. Par exemple, les produits agricoles et les ressources halieutiques anguillaises sont massivement exportées vers Saint-Martin. La pêche représente le principal objectif de la diversification de l’économie d’Anguilla. Dans son « White Paper » de 2017, le gouvernement Anguilla avance que ces types d’exportations sont devenus une source d’approvisionnement alimentaire importante pour Saint-Martin ou pour d’autres îles dont les ressources ne sont pas proportionnelles à la densité de population.

Le gouvernement anguilan souhaite donc améliorer l’exportation difficile de poissons vers Saint-Martin, mais plusieurs réglementations majoritairement françaises bloquent ce processus. L’octroi de mer est « une taxe sur la valeur ajoutée imposée sur tous les biens et services qui entrent et sortent des îles françaises. La taxe est donc prélevée localement. Elle est considérée comme une compensation pour le gouvernement français, en échange de toutes les dépenses qu’il fait en faveur de ces territoires et départements d’outre-mer. Comme les dépenses concernant la santé et l’éducation. Mais les recettes de cette taxe sont moindres par rapport aux investissements » explique un ancien fonctionnaire de l’Union européenne. Pour lui le constat est évident, « il est très difficile pour les îles d’échanger et de se vendre des biens, entre elles et à bon prix » (d’après un entretien réalisé le 23 mars 2020).

Dans ses « White Paper » et communiqués, le gouvernement anguilan propose des solutions pour sauvegarder et améliorer les relations entre les deux îles. En voici quelques exemples :

  • Un système de déplacement libre dans la zone entre les trois territoires

  • Une union douanière locale similaire à Schengen, en réponse aux taxations françaises sur les biens et services

  • La poursuite de la collaboration entre l’UE et le Royaume-Uni pour le financement des projets locaux, ce qui permettrait d’éviter le trou financier que provoquerait la perte des financements du FED

Le Brexit pourrait déclencher une scission, ce qui permettrait à l’île d’acquérir son indépendance et de maitriser ses importations. D’après les rapports gouvernementaux, même si Anguilla souhaite conserver ses liens avec Saint-Martin, son objectif est aussi de devenir totalement indépendante. Mais son histoire, son manque de ressources naturelles et ses services publics peu développés la rendent complètement dépendante de Saint-Martin et de ses autres voisines. Financements, emprunts, importations et exportations, tous sont limités par les gouvernements britannique et français.

 

Les débats, les analyses, les rappels historiques et les actions pour éviter le retour d’une frontière entre les deux parties de l'Irlande ont été nombreux. Il suffit d’entrer les deux mots clés (« Irlande » et « Brexit ») sur un moteur de recherche pour s’en rendre compte. Cette situation est d’ailleurs devenue une des problématiques majeures du « dossier Brexit ». Les intérêts de l’Irlande du nord, de la République d’Irlande et du Royaume-Uni ont clairement été débattus et exposés. Nous ne pouvons pas en dire autant du cas d'Anguilla et de Saint- Martin/Sint-Martin.

Le « White paper on Anguilla and Brexit » écrit par le West India Committee explique que

« les intentions des États membres, de la France et des Pays-Bas pour [le futur] de Saint-Martin et Sint-Marteen ne sont pas claires ». Les arguments pour expliquer pourquoi Anguilla et les pays voisins français et néerlandais devraient poursuivre leur étroite collaboration sont toujours en cours de préparation et les expériences personnelles des habitants des deux îles représenteront un des arguments principaux.

Quelles possibilités d’organisation future ?

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